
◈ Missives : 66
◈ Âge du Personnage : 323 ans
◈ Alignement : Neutre bon
◈ Race : Eressae
◈ Ethnie : Eressae des Abysses
◈ Origine : Eressa - La Cité Engloutie
◈ Localisation sur Rëa : Dehernatbi
◈ Magie : Magie Céleste : Liseur d'Etoiles
◈ Fiche personnage : Ancien roi d'Eressa
◈ Âge du Personnage : 323 ans
◈ Alignement : Neutre bon
◈ Race : Eressae
◈ Ethnie : Eressae des Abysses
◈ Origine : Eressa - La Cité Engloutie
◈ Localisation sur Rëa : Dehernatbi
◈ Magie : Magie Céleste : Liseur d'Etoiles
◈ Fiche personnage : Ancien roi d'Eressa
Héros
Lorel Syal'Telar
◈ Dim 31 Jan 2016 - 1:01
Magie ◈ Magie Céleste : Liseur d'étoile A l'image même d'une statue, je me tiens immobile ; l'épine dorsale plaquée au mur ; les bras croisés contre mon tronc ; le rideau noir de ma crinière ruisselant contre mon être debout ; les mots retenus derrière la porte de ma bouche. Statique, parfaitement coi, je coule mes mires iridescentes, sur mon jeune protégé. Il résout ses questions d'algèbres et équations, concentré. Pas un instant, l'attention d'Amal ne volette sur d'autres sentiers, même lorsque je viens à me mouvoir. Il reste imperméable à toute source de distraction extérieure. Son studieux fait ma fierté. Sourire barrant mon visage, je me place devant le pourpre rideau. Dès l'instant où je repousse l'amarante drapé, frontière entre intérieur/extérieur, les rayons séléniens me couvrent d'une nimbe oscillante. Alimentés par l'éclat lactescent de la sélénite, des symboles sibyllins s'esquissent sur ma peau. Paré de ces stigmates magiques, je chemine vers la rambarde du balcon. Le corps arrimé à celle-ci, je dévisage la toile des cieux, piquetée d'étoiles. La belle crépusculaire m'offre toujours sa démesure. Je m’immerge entre ses flancs, fasciné. A force d'égarer mes pupilles sur la voûte stellaire, ma tête bourdonne ; ma nuque est douloureuse; ma colonne me lance. Un grondement s'échappe des boutons de mes lèvres : je dois cesser mon observance. Je romps le contact magique avec le firmament couvert d'obscur. Je me masse les tempes endolories, du bout des doigts. Je trace sur ma chair, de petits cercles concentriques. Le temps s'échelonne. La douleur finit par passer. Je peux à nouveau fendre de mes abîmes, la mante crépusculaire. A peine soustrais-je de mon front, mes carpes importunes que je me sens transporté, annihilé par une fascination dérangeante : une constellation inconnue m'offre ses mystère. Les pans de la nébuleuse pèsent sous un millier d'étoiles changeantes. Dans cette mante sidérale, trois cyclopéens astres lumineux, fédèrent la majorité des enfants célestes, rassemblés autour d'eux. Insecte devant l'éther, je me perds sur cette sublime nébuleuse. Je suis les fines soieries de ses pans, quasiment hypnotisé. Mes mires cheminent sur cet océan étincelant, sans être piqué par l'ennui. Elles s'égarent dans cette infinie voie lactée que nul homme ne put contempler jusqu'à ce jour. Attiré par une étrange abstraction, je transporte mon regard vers deux étoiles jumelles. Trois points stellaires semblent liés aux jumelés. Emporté par leur éclat, je ne peux m’abstraire à leur vue. Mon âme semble arrachée par elles, au nom inconnu. Je m'élève. Je flotte dans l'éther cyclopéen clouté de multiples points lumineux. Je nage dans l'amas étoilé. Je me fonds totalement dans la nébuleuse que gardent férocement, les trois astres rayonnants. Devant moi, les astres de l'infinie nébuleuse, chancellent, puis s'étouffent sous la touffeur d'un brouillard. Le blanc laiteux de la brume engloutit tout, dans son corps vorace. Qu'importe où j'appose mes topazes de feu bleu, il n'existe dans l'éther que le blanc infini. Je tente de m'échapper de son étreinte volatile, en vain. Partout où je vais, il est là, présent, tel un labyrinthe. Alors que je m'attends à ce qu'il reste dans l'éternel, comme il est né, il disparaît. Rassuré de voir les constellations, un sourire se dessine sur mon visage. Mais, le plaisir n'est que de courte durée. Brutalement, seul le néant m'accueille, une coupole crépusculaire dénudée, un ciel de nuit sans étoiles. Partout c'est ainsi. Adieu le tapis astral. Entre mes chairs, naît l’appréhension. D'incompréhension, je me questionne sur l'origine de ce mystère. A peine commençais-je ma quête d'en trouver l'énigme, les enfants stellaires reviennent au compte goutte. Un par un. Dans leur retour triomphal face à l'obscurité, certains se meurent et d'autres s'évanouissent. En continu, le schéma se répète. A l'achèvement de la nébuleuse, je retrouve ma constellation habituelle. Mon rêve éveillé s'achève. Je m'attends à revenir dans la normalité. Hélas, à nouveau, je me fais surprendre par un fait inexpliqué. Je suis propulsé d'un coup, en l’ailleurs. Je ne suis plus sur le balcon du palais ou transporté dans la nimbe infinie de l'éther. Je me retrouve quelque part, incarné, de l'eau croupie jusqu'aux hanches ; les pieds enfoncés dans le limon ; nulle lumière pour m'éclairer. Une exhalaison de chair frelatée sature l'air d'une mante poisseuse. A chaque inspire, ma gorge me brûle ; mes pupilles, dilatées par le manque de luminaire, me piquent ; des hauts de cœur remontent le long de mes viscères. Visage inexpressif sur ma face, je contrôle corps et affect. La panique et le dégoût ne m'aideront pas à élucider ce mystère. Bien au contraire, ils pourraient me mener vers de sombres appétences. Ma sagesse me dicte de ne pas rester sur place, mais, en revanche, de faire le tour de ma prison. Néanmoins, bien avant d'entamer mon périple nocturne, je marche tout droit, les bras tendus devant moi. Nonobstant l'émanation méphitique et mes habits imbibés d'eau, j'avance. Je me déplace dans l'obscur, à pas lents. J'évite de grimacer lorsque des organismes inconnus buttent contre mes jambes. Je me focalise uniquement sur ma recherche d'un pan de mur. Bientôt, je viens à sentir contre mes manicles, une surface terreuse. Je creuse sa surface humide, ignorant ces corps étrangers souillant mes ongles. Je n'ai pas le temps de faire ma précieuse. Mon point de repère mémorisé, je débute ma recherche. A peine débuta t-elle, dans l'éther, la sélénite se libère des nuages ; ses rayons courent sur la surface de l'onde ; baignent les murs de son scintillement ; éclairent le cratère dont je suis prisonnier ; met en valeur les dépouilles des malheureux. Compatissant pour ces êtres éteints, je prie Céarus de veiller sur eux. Soudainement, le sol tremble, cahote, plus particulièrement en face. Des craquelures veinent la terre. Des écaillures naissent des gouffres asymétriques alors que nul être, ne pèse son poids dessus. Des susurres lointains font échos aux secousses. Les flots, comme un geyser grondant, enflent, charriant corps putrescents, poissons morts et bûches. Dans tout ces événements, je garde mes paumes contre le mur, tentant bien que mal, de garder un équilibre précaire. Calme, malgré la débauche de mère nature, je tends l'oreille vers l'horizon, là où les mots prennent vie. Pour mon propre malheur, mon inattention me mène à ma perte. Une souche, placée en angle mort, heurte brutalement ma tête. Au dessus de moi, les étoiles vacillent, dansent et tournoient. Puis, le noir absolu m’accueille. Je tombe en arrière, une traînée sanglante souille ma noire crinière. L'eau me recouvre comme un linceul symbolique. Le cortège de défunts m'attrape les poignets. Emprisonné par leur poigne spectrale, aux longs doigts nivéens, je me fais ensevelir par l'onde. Ainsi est donc ma fin... Je me noie... Lorel est propulsé en un lieu où son pouvoir céleste capte le destin des mages, anciens et nouveaux. "Le ciel". "La terre" est celle qui accueille les données sybillines des êtres non dotés de magie. Compétences, forces & faiblesses Arts de la noblesse & de la bourgeoisie (Métier engagé : Roi) - Lecture & écriture (maître) - Étiquette (maître) = De sa longue lignée il en possède les savoirs extraordinaires, mais des années d’exil ont sûrement fait perdre la maîtrise parfaite des codes royaux. - Politique (expert) = De sa destitution, il n’eut pas l’adage des grands maîtres politiques. De sa fuite, a sûrement été délité l’enseignement de ses pairs en la matière. - Escrime (enseignement par une école d’arme, connaissance de l’éthique des duels : avancé) = Tout Roi se doit de savoir manier l’épée comme la plume, dans ses codes et ses obligations. - Diplomatie (expert) = Tout autant que de savoir gouverner, un Roi, même déchu, se doit de connaître tout protocole à destination de ses pairs, de ses sujets et de ses appuis. Cet apprentissage est ancré en lui, par lignée. - Représentation (frestel, instrument : intermédiaire) = Naguère, Lorel se plaisait à pratiquer l’art musical. Arts des Sages - Mathématique (géométrie, arithmétique supérieure : génie) - Physique générale & liée aux systèmes d’artefacts (expert) - Astronomie (maître) = Incontestablement, cet homme d’exception est un génie pour lequel peu de matières des sciences actuelles sont inconnues. - Alchimie & Herboristerie (novice) = Par nécessité, Lorel est en apprentissage des métiers des plantes, confection d’onguents, baumes divers, ainsi que les propriétés de quelques plantes lui sont connues. Compétences générales - Folklore (Radjyn : intermédiaire) = Après trente années passées à errer entre Saan Met et Al’Akhab, Lorel peut se targuer de connaître leurs mœurs, leur folklore, du moins celles de certaines tribus, mais aussi des plus hautes sphères, sans oublier sa propre connaissance et conscience des us de son peuple. - Linguistique (maître) = Par essence, Lorel est un maître de la linguistique, pratiquant lui-même nombreuses de celles-ci (Eressae, Kaerd, Saa, Al’khabirois) et la plus difficile d’entre elles, l’Alshra. - Natation (maître) = Par naissance, les Eressae sont des êtres aquatiques. La nage fait partie d’eux au même titre que leur respiration sous l’eau. - Equitation (intermédiaire) = Si les Eressae de la cité engloutie n’utilisent aucunement les montures, sa chute l’a forcé à apprendre à s’en pourvoir, à apprivoiser ces bêtes et à leur faire accepter sa puissante stature - Éloquence (maître) = L’ancien Roi d’Eressa possède le talent d’éloquence. D’intellect et douceur mêlés, il sait convaincre son auditoire en de nombreux domaines. ◈ Avantages ⌘ Connaissance et Esprit : Lorel fait partie de ces êtres rares, possédant une cérébralité hors norme, innée d'une part et acquise, par sa curiosité. Depuis l'aube de son âge ingénu, ce monarque exilé de son royaume, a nourri son intellect jusqu'à ce qu'il devienne, une lame bien ciselée. Il en est venu aujourd'hui, à obtenir des compétences non négligeables en langage, mais surtout, à maîtriser certains domaines : l'astronomie, les sciences, les mathématiques et la physique. En ce moment, il met à jour ses compétences en stratégie et apprend à créer des baumes, à partir de plantes médicinales. ⌘ Sa compassion : ce brave Eressae coule sur tous un regard bienveillant. Dans sa gronde bonté, il accepte tout le monde, qu'importe son statut social : riche ou pauvre. Pour lui, tout être à le droit de vivre en ce monde, même les Ordhalerons. Avec cette optique, il n'offre jamais un jugement mal placé sur son voisin. Il l'accepte dans sa totale intégrité. Il tolère presque tout et tend la main vers les nécessiteux, car telle est la voie qu'il a choisi : le respect de la vie, sous toute ses formes. ⌘ Sa patience : une trentaine d'années s'est écoulée depuis qu'Aedran lui a pris le trône et qu'il erre en chien de faïence, sur les terres désertiques de Radjyn. Il n'a toujours pas abandonné l'idée de récupérer le statut qu'on lui a dérobé en traître. Il est roi et le restera. Ainsi soit-il. Mais, pour recouvrer le pouvoir et renverser l'usurpateur, il agira de manière fine et efficace. Il ne commettra pas l'erreur d'un excès de zèle. Il sait que la précipitation peut mener un homme à sa chute et qu'inversement, la patience est mère de sûreté. ⌘ Sa mémoire : tel son esprit, Lorel affûta sa capacité de concentration au maximum. Il lui est possible de reconnaître un auteur à sa citation ; donner le titre d'un livre juste en écoutant un extrait ; se souvenir d'une partition de musique ; retranscrire un document lu ; se souvenir des vêtements et des visages ; donner le lieu d'une rencontre et sa date ; se remémorer ses cours, s'ils l'ont préalablement intéressé. ◈ Inconvénients ⌘ Sa position : du fait de sa fuite et la chasse quotidienne dont il fut victime, Lorel a éveillé en sa chair : méfiance et paranoïa. Il ne peut avoir l'esprit tranquille si une quelconque âme le nomme par sa véritable identité. Dès cet instant précis, il jaugera la situation. S'il ressent un danger immédiat, il optera pour la mise à mort de sa cible. Sa grande bonté et son grand respect de la vie ne doivent pas l'arrêter dans son acte. Il est question de sa propre survie. C'est soit il vit soit il meurt. Il n'existe pas d'autres alternatives. Ses exécuteurs n'attendront pas qu'il s'endurcisse pour l'occire. ⌘ Ses alliances : naguère, il en avait pleins. Mais, aujourd'hui, il n'a pratiquement aucun ami ou partisan. Ceux d'hier ne sont plus. L'usurpateur les fit exécuter dès l'aube de sa fuite, par crainte qu'ils ne permettent au véritable roi, de revenir. Ainsi, il se retrouve seul contre son opposant, ses gardes et son ancienne armée. Ce qu'il ignore, c'est qu'officieusement, en dehors de ses esclaves, des êtres particuliers souhaitent l'aider à retrouver son trône. ⌘ Sa force physique : autant il est doué dans l'art de l'escrime, les bottes et les assauts, autant son corps ne lui permettra pas de résister éternellement contre un adversaire plus endurant. Il finira fatalement, par être épuisé bien avant son opposant. Dans cette issue, non encore arrivée à ce jour, le vainqueur aura toute latitude pour le tuer. Par connaissance de ce résultat, Lorel veille à ce que jamais ses combats s'éternisent. ⌘ Sa manne : sa magie est une bénédiction du ciel, mais elle est aussi, une puissante faille. Lorsque lui vient à l'esprit, les images et visions d'un temps futur ou présent, le contre-coup le laisse si vulnérable qu'il en devient une cible facile. Une fatigue intense lui mord les tripes et lui donne l'envie, de plonger dans le monde des rêves, là où il pourra récupérer ses forces. Physique La nimbe, grimée de pastel, déchire sa chrysalide. Se délivre des pans de la coquille fragilisée, l'aube. Les rayons timides de l'astre solaire, filtrent sous le grand voilage incarnadin, donnant un jeu de lumière dansant sur le dallage de marbre blanc. Les êtres s'éveillent. La vie bouillonne dans les entrelacs d'artères qu'offrent la Capitale. La venue du jour et l'effervescence de la Cité m'extirpent de mon somme, à peine réparateur. Groggy et harassé, je maudis l'éternel recommencement. Quand les spectres nocturnes cesseront de me hanter ? Mes cauchemars m'épuisent. Avec une lenteur exécrable, j'émerge du monde de l'inanimé. Mes paupières se soulèvent ; mon corps s'anime ; mon souffle reprend un rythme normal ; mon dos se redresse ; mes manicles repoussent les draperies ; mes pieds viennent se souder aux dalles neigeuses. Prostré ainsi, je me masse les tempes, chasse de mon front, l'obscur de mes mèches. Je redépose à plat, mes mains sur la literie. Cachée par la touffeur de l'obscurité, drapée d'un linceul sanglant, la baignoire de marbre, au ventre elliptique, se languie de ma venue. Cette dame blanche intemporelle, à la chair nervurée, aux têtes de lions conquérantes, me susurre de la rejoindre. Elle me rappelle, ô combien ma chair, est couverte de l'effluence. Elle me cajole de sa doucereuse voix. Enchanté par son timbre, j'abdique. D'une poussée, je glisse hors du lit. Campé sur mes appuis, je me meus sous le regard vigilant de Durahliya. Observé par ses sinoples, je m'approche de l'objet de ma convoitise. A peine ais-je fait quelques pas qu'un coup s'entend contre le battant de la porte. Puis, un deuxième, suivit d'un troisième. Nu comme le premier jour de ma naissance, je m'apprête à y aller. Mais, mon amante me devance. Sans me louvoyer de son regard émeraude, enroulée d'un drap nacarat, elle se meut, avec sa démarche particulière de grand félin ; son port altier ; sa crinière ébouriffée. D'un geste assuré, elle attrape la clenche d'une main, l'autre maintient serrée son habit de fortune. A peine l'ouvre-t-elle, que trois domestiques, chargées de seaux d’eau, se dessinent à l'embrasure. Nulle surprise ne se dessine sur leur visage. Droite, elles saluent leur altesse comme s'il était normal, qu'elle soit ici là, dans mes propres appartements, vêtue d'une simple draperie. Elles ont fini par s'habituer à cette récurrente vision. Sous l'oeillade vigilante de la princesse des sables, la domesticité, attifée de soieries flavescentes, déposent leur paquetage au sol. Les pétales de leurs lèvres scellés, elles remplissent, tour à tour, la vasque d'opale. Pas une fois, l'ombre de la curiosité ne les pousse à bifurquer leur attention sur moi, dorénavant affublé d'un pagne. Appuyé contre le bord de la baignoire, les bras croisés contre mon torse, j'admire leur sérieux. En dépit du poids conséquent des seaux, elles tiennent bon. Je les trouve admirables. Pendant qu'elles évident leur si précieux contenu, Durahliya me prépare le nécessaire de toilette. Elle vient à peine de les rassembler et les poser, à portée de ma main, que la domesticité se retire, toujours nimbée de leur silence obséquieux. A nouveau seuls, elle s'installe sur le lit et moi, j'observe le bain, ne dissimulant qu'à peine, mon souhait de le rejoindre. Des fumerolles se dessinent sur l'onde transparente comme des dauphins jaillissants du ventre de la mer. Une étoupe de lin pliée pour m'essuyer et un pain de savon, pour me laver, m'attendent sur le bord de la baignoire. Deux baquets d'eau tiède reposent sur le côté. Tout y est. Je vais pouvoir, enfin, procéder à mon ablution. Sourire au coin de mes lippes, je m'unis sans attendre, à l'écrin humide. Le contact de la chaleur sur ma chair lasse, m'arrache un soupir contenté. Je me sens bienheureux. Je ferme mes paupières et profite de l'instant présent. Sans me prévenir, la princesse se place dans mon dos. Elle déverse sur ma tête, l'eau tépide. — Durahliya... Je peux m'en charger seul. Nul écho ne vient répondre à mon susurre, vague prévenance d'une irritation future. C'est un silence profond qui s'installe, un déni total de mon vouloir. Dédaignant ma demande, ses phalanges enduites de rhasoul, plongent dans ma crinière d'encre noire. — Durahliya... Elle m'ignore, derechef. Elle comble son desiderata, avec mes nerfs. Ses manicles malaxent vivement mon cuir chevelu et mon crâne. Je m'impatiente. Ma bouche, à la lèvre supérieure en arc arrondi, forme une mimique excédée. La tension sature l'air d'une gangue désagréable. Je finis par vraiment me lasser de sa ténacité. Mes prunelles se délivrent de leur prison de peau. — Durahliya. J'apprécie tes attentions à leur juste valeur et leur reconnais un attrait agréable. Cependant, je préfère m'acquitter de la tâche, seul... Cette fois, je prend soin de marquer mon irritabilité. Je donne, à la tessiture de ma voix de baryton, des inflexions polaires, aussi froides que les monts gelés en hiver. De surprise, elle se recule, peu habituée à recevoir des remontrances de ma part. — A l'avenir, ne me compare pas à d'autres hommes. En dépit que j'en sois un, je ne me pâmerais pas pour qu'une délicieuse muse lave et délasse ma chair. Je me doute qu'en mon dos, elle m'adresse un regard furibond. Peu me chaux de la vexer. Seul compte mon désir de mettre en veille, ses gestes sur mon être. Étant en pleine possession de mes moyens, je trouve nécessaire de me charger moi-même de mes besoins les plus fondamentaux, incluant donc, ma toilette personnelle. — Bien... S’ensuit à son chuchotis, le claquement subreptif de sa langue contre son palais. Sans rien rajouter de plus, elle décampe, toujours couverte de sa robe de fortune. Un soupir de lassitude s'extrait de la porte de ma bouche. Me voilà bon à devoir répondre de mes gestes, dans un temps plus ou moins futur. Parfois, la solitude paraît la meilleure situation. Mes paupières lourdes s'abaissent, recouvrent l'acier de mes mires. Douce tranquillité, ô ma belle amie, te voilà. Hélas, ma quiétude ne dure qu'un soupçon de seconde. Des coups contre le battant rompent le charme de l'accalmie. La porte s'ouvre sans que je n'ai livré mon invitation. Se dessine à l'embrasure, une silhouette bien connue, rafraîchissante après la furie de Durahliya. — Asha.. Je l'observe dans son immobilité. Elle reste devant la porte après l'avoir fermé. Son regard se fait distrait. J'ai la certitude que ce n'est pas vraiment le cas. Cependant, je n'en fait pas part, de vive voix. Sans rompre le contact, de nos pupilles nivelées, mes manicles attrapent le pain de savon. Je nettoie ma carnation poisseuse de sueur. — L'était en rage, son altesse ... Elle a voulu te trifouiller dans l'bain, maître ? Petit bout de fraîcheur après la tempête. L'éclat d'un rire tisse la partition de la joie. La liesse non feinte chasse la grisaille. Je me sens d'avantage détendu. L'ancienne esclave ne peut imaginer à quel point elle m'égaye. Ce joyau, encrassé et brut, m'offre un réconfort dans ma vie rendue âpre, par mon statut volé. Si je suis le jour, elle est mon obscurité. Elle est mon opposée, mon contraire, mortelle, amusante et dangereuse. — Si ce n'était que ça, la situation m'aurait paru plus plaisante. Devant mes prunelles diaprées de bleu, Asha effectue quelques pas, pour enchâsser ses abîmes sur l'extérieur. Je ne l’interrompt pas dans son observation. Je continue de me récurer. J'arrache de ma chair, la suée. Bientôt, un amas de mousse recouvre mon épiderme. — Une lionne furieuse, c'est pas bon ... Pis si elle se pâme pour toi, encore plus ... — Certes.. Mais je ne peux abdiquer à toute ses exigences. Parfois, il faut rompre les puérilités ou sinon, ça n'en finira jamais. J'en viens à procéder aux derniers gestes de mon ablution. Ma dextre vient empoigner l'anse du seau. Je me redresse, mon prisonnier toujours détenu par mes mains, rendues calleuses par la pratique des armes et le maniement de la plume. D'un geste franc, je l'évide sur moi. L'eau tiède coule sur ma peau, aux multiples estafilades, gagnées lors de mon exil ; longe mes courbes aux muscles ciselés par mes années d'entraînements ; descend le long de mes cuisses et chevilles, pour se mêler à l'onde souillée de ma crasse. Usant de mes manicles, j'essore ma crinière, chasse les gouttes du long voile de soie douce. La trouvant assez sèche, je la repousse en arrière. Le rideau de ma chevelure retombe sur mon épine dorsale. Il est l'heure pour moi, maintenant, de sécher le reste de mon anatomie. Je m'extirpe de l'onde altérée. Des flaques dessinent des fleurs à mes pieds. Armé de l'étoupe de lin, je ravis de ma carne, la pellicule d'eau. Dans mon entreprise, je rencontre une difficulté majeure : le haut de mon dos est hors d'atteinte. Mes lippes accolées se descellent. — Asha... Un susurre qu'elle s'est habituée à entendre de ma part et qui exprime bien des mots. J’enjoins à mon chuchotis, mon bras tendu en sa direction, la soierie tenue à peine. Mon geste n'exprime en rien un commandement, mais une demande d'aide. Si elle refusait, nul châtiment ni préjudice, ne lui tombera dessus. Ainsi suis-je avec elle : juste et équilibré. Il n'existe pas, l'antipode, esclave/maître, entre nous. Ainsi, nos rapports ne sont que plus appréciables et elle peut agir ou répondre avec tout son naturel. Comme maintenant. En réponse à mon chuchotis, s'envole de sa bouche, l'éclat d'un rire, aux sonorités sarcastiques. — Bah voilà, enfin un vrai sang-bleu ... Sa réplique aligne sur mon visage, un sourire non feint. Je lui donne mon captif, puis, je me détourne. Je lui présente mon dos et sa chair lacérée. Armée de l'étoupe de lin, Asha, s’exécute. Je sens sur ma carne, la vigueur de ses gestes, dépouillés de brutalité. J'y reconnais bien là, son caractère flamboyant et sa rudesse. Bientôt, sous l'action de ses soins, les perles d'eau sur mon être, ne sont plus qu'un lointain souvenir. — Merci... A être si proche, l'un de l'autre, la différence de taille s'impose à nous. Je la domine du haut de mes cinq pieds neuf pouces mais, je ne doute pas, qu'elle me bat question agilité. Sans un bruit, sans un murmure, je m'approche de ma commode. J'ouvre les grandes portes. Elle si magnifique, si immense souffre d'un réel vide. Seulement quelques atours, soigneusement pliés, remplissent sa panse de bois. Mes topazes de feu bleu coulent sur Asha, s'ancrent dans les miroirs de son âme. — Que dirais-tu d'aller au marché ? Tout en formulant mon phrasé, mes manicles attrapent un boubou traditionnel opalin, tissé avec une matière des plus nobles, le coton. Je l'empoigne et le déplie devant moi. Des broderies azuréennes dessinent des motifs aux contours simples et singuliers sur la plaine blanche qu'est le tissu. Cette harmonie de couleur met en avant le bleu de mes pépites. Il est à l'image du parfait. Je le choisis donc. Une fois uni à mon corps, l'étoffe précieuse couvre de mes épaules à mes chevilles ; ses manches élaguées camouflent mes mains et poignets. J'ajoute à l'ample étoffe, un pantalon large ivoirien et une paire de sandales. Attifé de mes atours, je me dirige vers un coffret en bois noir. — Je pourrais t'acheter des vêtements et nous jetterons tes guêtres. Par son claquement de langue improbateur, je bifurque mon regard, en sa direction. J'y devine là, un sage conseil. Visage grimé de sérieux, je l'écoute. — J'dis pas non à l'offre, mais je garde mes frusques, maître. Des guenilles, ça sert toujours. Je reconnais bien là, son ingéniosité. Complice de ma belle amie, je m'imagine bien un jour, lui mander de me trouver aussi des guêtres, à ma taille. La demande risquerait de la faire sourire. Son « maître » attifé de hardes et sale comme un pourceau. C'est à voir, au moins une fois. Sourire amusé aux coins de ma bouche, je m'arme d'une clé, dont je suis seul connaisseur. J'ouvre la cassette. Un « trésor » m'attend, dormant au creux de sa panse. Ma dextre s'empare d'une bourse à fond, en cuir rigide, bien pleine. Je viens à la rencontre d'Asha. Lorsque je suis assez près, je lui tiens le poignet, de ma main libre. Toujours l'étau de mes doigts enserrant sa manchette, mes lippes se décollent. — N'aies crainte. Laisses-moi faire, Asha. Ma sentence, aux sonorités douces, a le don de hausser son sourcil. Assez près, je ne le peux le louper cette mimique moqueuse. — J'suis pas une pucelle nobiliaire, maître ... J'ai pas la frousse pour si peu ... Une énième fois, depuis sa venue, ma gaieté perle hors de mes lippes, comme une hymne à l'engouement. C'est une partition de joie pure, nourrie par la seule fraîcheur d'Asha. — Il est vrai... Certes. Mais, Asha, tu n'as pour pas l'habitude que je vienne, poser mes mains sur toi ou ne te prives, d'une quelconque façon que ce soit, de ton autonomie. Suite à mon susurre, je mets contre sa paume, l'escarcelle, pleine de pièces trébuchantes. Je force la fermeture de ses phalanges sur ce précieux paquetage. — Je me doute que sur toi, la bourse sera en sécurité. Comme un souvenir, comme un soupir, ma poigne s'efface, se retire. Elle est à nouveau libre d'autonomie, avec en sa possession une véritable richesse, de cinquante oryns et tentre huit arels. — Elle contient ton salaire de 18 arels et de quoi nous faire plaisir. Je me dirige droit vers la porte, d'une démarche de grand félin. Avant d'ouvrir la porte, mon chuchotis rompt le voile du silence. — Maintenant partons, tant que le flambeau du jour est haut dans le ciel. Taille : 6 pieds (1 m 95) Poids : 97 kilos Yeux : bleu iridescent Cheveux : noir d'encre, raide et long (trois quart du dos) Corps : une énorme balafre sur le dos et des cicatrices ci et là. Caractère Placé sur le balcon immaculé, je contemple l'immense panorama, nimbé de sa traîne flavescente. Sous mes pieds, la géante endormie s'éveille, s'anime après une longue sieste, sous l'éclat de la sélénite. Délivrée de sa gangue de nuit et son armada d'étoiles, l'effervescence gagne ses veines et artères. Son cœur palpite et s'échauffe. Dans ses rues principales, l'air se sature des fragrances de cumin, de safran, de massalé ; d'exhalaison âcre du corps échaudé par les rayons du soleil ; d'effluves de poissons, de viandes, de légumes et de fruits. Se suppléent à ces odeurs, les bramements des marchands, offrant mille et une promesses sur leurs produits ; les récits des conteurs, faisant miroiter aux enfants des histoires que eux seuls connaissent ; les clameurs de la foule, aux bourses enflées par bien trop de piécettes. Cette joie, imprimée sur le faciès des adultes et enfants, offre l'impression d'avoir rejoint une cité merveilleuse. Hélas, ce n'est qu'une illusion de façade. Un regard acéré remarquera facilement l'avarie, cachée au dos du tableau magnifique. Derrière le beau, se cache la pénombre. Dans les boyaux obscurs de Dehernatbi, là où même la soldatesque refuse de s'y aventurer, la vermine se repaît des restes arrachés aux inconscients ; l'émanation flotte au dessus des corps faméliques ; les estomacs d'enfants, de femmes et d'hommes crient famines ; l'effluence de lansquine se mélange aux humeurs ; l'humanité n'est juste qu'un masque dont on se pare pour tromper le chaland. Face à la calamité des plus démunis, mon palpitant se serre, mes émois bouillonnent, mes phalanges blanchissent par la pression que j'exerce sur leur appui. Dégoût, impuissance, rage, viennent torturer mon être. Déchiré par ces états d'âmes, mon corps se crispe. Mon palpitant tape fort à l'intérieur de sa cage de chair, d'os et de sang, comme pour répondre à mon courroux de voir les plus fortunés ignorer les plus pauvre. Donner la main n'est pas un acte si difficile. Comment peuvent-il s'épanouir lorsque même des enfançons souffrent de la faim ? Afin de ne pas déborder, je détache mon attention de la cité d'opale. Mes prismes cérulés coulent sur la frontière entre le monde des hommes et la nature virginale. Le désert des Mohars, saturé par le vent et le soleil, s'étire à l'infini. Fixant le lointain, là où je ne puis y perdre mon regard, j'imagine ses dunes émergentes, ses mirages et oasis, ses touaregs à dos de chameaux, ses caprices et tempêtes. J'écoute sa mélodie aux sonorités captieuses et chaudes. Mes orbes d'un bleu iridescent se dardent finalement sur le khamsin qui, comme une harde de chevaux sauvages au galop, piétine les dunes de sable. Sa houle tempétueuse tente de lécher les hautes murailles, comme le ferait des flammes avec la sylve, un jour d'été. Si le feu parvint à consommer le bois sec, son souffle chargé de poussières d'ambres, ne rencontre pas le même succès. Les remparts de l'intemporelle à deux visages, résistent aux assauts présents et futurs. Je finis par enfin me détourner du spectacle de mère nature, affrontant le berceau des hommes à la peau sombre. Je quitte le balcon, son panorama cyclopéen et la mer de sable. De nouveau, je fais sein avec la bibliothèque, baignée d'un silence claustral. Mes manicles, en un geste souple et à la fois assuré, remettent en place le voilage. Ma présence et le bruit velouté du tissu forcent mon élève à lever sa tête de ses études. Les pépites éméraldines fixées sur moi, il semble attendre quelque chose. Par sa moue, sa jeunesse juvénile, les coins de ma bouche se relève, un sourire s'y dessine. Puis, les pétales de mes lèvres se descellent. — Qu'as-tu mémorisé ? — La foudre, les cyclones, séismes, tsunamis, les volcans en éruption, sont des catastrophe naturelles... Soupçon d'un silence, le prince réfléchit, cherche, charcute son être par ses cogitations. Je me demande s'il va abandonner. Ce n'est pas le cas. Le flot des mots tarit revient telles des cendres rougeoyantes ranimées par un soufflet. — Les hommes ne peuvent ni les contrer, ni les contrôler. Ils surgissent lorsque... Nouvelle hésitation. Cette fois-ci, bien plus longue que la précédente. Mes prunelles, colorées de bleu, s'apposent sur les phalanges de sa main droite, venues se mettre contre son menton. J'hésite à intervenir. Si je le fais, je ne l'aide pas. Il doit retenir ses leçons seul. C'est ainsi qu'on grandit. J'attends donc. Je lui fais confiance. — Lorsque les conditions nécessaires sont remplies. Il exprime justement ce que je souhaitais entendre. En dépit de ses hésitations, que je mets au compte de son âge, il a formulé la bonne réponse. Je suis fier de lui. L'avoir en élève compense ce que je n'ai point. Je sais que ce n'est que temporaire et qu'un jour, je devrais repartir. Qu'après le « au revoir», il y a de fortes chances que nous ne revoyons plus. Malgré cette triste réalité, je souhaite tout de même, en profiter. — C'est parfait. Tu as bien retenu. Je m'approche de l'adolescent, d'un pas nonchalant, mes phrasés retenus derrière la porte de mes lippes. Tout près, je l'observe. La paume de ma main se pose sur son crâne. Je cajole sa chevelure obscure, avec lenteur. Puis, je cesse mon geste. Ma main se retire. — Beaucoup d'êtres meurent lorsque les éléments se déchaînent. Des milliers de vie. Il est difficile de prédire avec exactitude quels lieux de Rëa seront frappés par ces phénomènes naturels. S'ils étaient prédis, de nombreux êtres seront épargnés. Je m'éloigne de l'enfant princier. Je me dirige vers l'une des étagères où trône conquérant, un planisphère, réplique exacte des terres de Rëa. Je me penche vers le globe et le fixe. Je me souviens encore du jour, où je les ai aidé à le compléter. Ma dextre le fait rouler. Lorsque je vois se dessiner la mer de salkes, j'arrête mon tournoiement. Je pointe de mon index inquisiteur, le lieu où se situe Eressa, l'invisible cité engloutie. Je retrace, du bout du doigt, ses lignes et pourtours. Je me souviens encore parfaitement de son architecture, que nul être humain ne peut reproduire ; de la beauté cruelle du temple, dédié à Céarus et mon palais ; de ses complots ; de la faune marine évoluant avec grâce en nonobstant notre présence. Un brin nostalgique de la terre qui m'a vu naître, je ferme mes paupières, je perds mon sourire. Les grains du temps, prisonniers de l'écrin de verre du sablier, s'entassent inexorablement. Le silence d'or, presque sacré, s'éternise. — Siliël ? Mon élève est le premier à prendre la parole. Afin de ne pas le faire attendre, je réponds aussitôt, mes mires toujours cachées derrière leur prison de peau. Penché sur le planisphère, j'offre à mon élève deux mots, une unique question. — Oui, Sàlem ? — Tu resteras toujours avec moi ? Par la surprise de ouïr ces mots de la bouche princière, mes abîmes se libèrent. Je m'attendais à une question sur ses leçons ou un éclaircissement. Pas à celle-ci. J'aurais dû me douter qu'un jour, le Prince me la poserait. Après tout, il n'a rien d'un abêti. Je fais volte-face afin que l'adolescent puisse voir mon visage, aux expression neutres et contrôlées. Mes mains se cachent dans le creux de mes manches voisines. Une mine contrite prend possession de mes traits. — Non. Je ne le puis. Un jour, je devrais rentrer en ma patrie. La vérité toute crue, sans être recouverte de miel ou sucre. Je ne peux décemment pas lui mentir. Je doute qu'il m'aurait démenti si je lui offrais une réponse toute faite de syllabes positives. Il aurait perçu la vérité derrière le mensonge. Et puis... Je ne peux pas me permettre de lui promettre qu'à jamais, je serais là. Il doit savoir qu'un jour, je partirais. — C'est où ? — Une cité immergée aux confins de la Mer des Salkes . L'excitation brille dans les mires de l'adolescent, à peine mes mots expulsés du fin fond de ma gorge. Face à cette marque de joie, un sourire étire les coins de ma bouche. Son admiration, son désir de découverte, m'émerveille. Je m'attends à ce qu'il me demande si un jour, il me serait possible de l'inviter. Et là, je sais que la réponse l'attristera. — Je pourrais venir te voir ? Je ne me suis pas trompé. C'était prévisible. Tel un gros félin, évoluant sur une autre sphère, je m'approche de l'héritier du trône. Ses orbes diaprées se fixent sur mon être mobile. Lorsque je me tiens, juste devant le pupitre de mon élève, mes lèvres se descellent. — Ce sera un plaisir. Mais... ta visite devra attendre que les choses se soient tassées sur mes terres. Je n'ai aucune crainte d'employer le pronom "mes". Il ne fera pas le rapprochement entre mon identité officieuse et officielle. Les rouages de son intellect sont plutôt occupés à extorquer de mon être, les réponses souhaitées. — Pourquoi ? — De grands projets m'attendent, pour ces prochaines années. Je ne disposerais que peu de temps pour toi. Et... Face au chagrin écorchant les traits du Prince, mon discours s'étouffe comme un feu de bois sur lequel on aurait jeté de l'eau. La désolation prend possession de son visage, peint sur ses traits juvéniles, un véritable abattement. Je l'observe silencieux, conquérir cette terre, si souvent parcourue par la joie. Si je semble de marbre devant ce spectacle, en profondeur, les affres de l'héritier ne me laissent pas insensible. Je ne tarde pas à me mouvoir, un souhait en tête : chasser le désespoir chez cet être particulier. Je contourne la table, pour me placer à ses côtés. Ma manicle droite, à plat, s'établit sur le sommet de son crâne. Ma voix aux intonations cajolantes, presque tendres, vient susurrer à nouveau. — Ce n'est pas que je refuse de t'emmener dans ma terre natale. La ville ne sera pas sûre. Tu risques d'être la cible d'hommes peu recommandables. Ils se serviront de toi pour me faire du mal. Me comprends-tu ? — Oui. Un oui hésitant, mais un oui. Sàlem chasse de son visage ses peines, pour me montrer à quel point il est un homme. Après tout, bientôt se réalisera son rite de passage à l'âge adulte. Peut-être serais-je là pour l'observer ou serais-je déjà loin ? Seul Céarus connaît mes prochains déplacements. Mes lippes, à nouveau accolées, je daigne retirer ma dextre de la crinière de l'adolescent. A peine la main ôtée, j'avise Amal, placé à l'embrasure de la porte, mal fermée. — Brave enfant. Tu peux aller jouer. Je tourne mon visage vers mon petit protégé muet. — Veille bien sur le Prince. L'ancien esclave baisse sa tête pour souligner qu'il a compris. Et ensuite, les deux adolescents quittent le berceau du savoir. Loin de toute effervescence, je m'empare des vélins inexactes et je m'installe face à un bureau, où m'attend un nécessaire d'écriture. Sans un soupçon de bruit, je relis, rature, corrige les erreurs et vérifie. Je me dédie entièrement à cette tâche. Les heures passent et pas une fois, je ne me montre fourbu. Imprégné de connaissance, je ne me sens que plus proche des hommes. Ils ne sont pas au même niveau que nous ou les Elears, mais, ils prouvent qu'ils sont sur la bonne voie. Les enfants de Rëa, à la peau d'onyx, possèdent déjà un bon état d'esprit sur le respect de la vie. Je ne compte pas la pingrerie d'une grand part des augustes. Elle se retrouve, hélas, partout. Hors de la pièce, baignée d'un silence claustral, le char du soleil achève sa course dans l'écrin du jour. L'astre sélénite et ses suivantes stellaires se sont cloutées sur la nimbe de nuit, et moi, je suis toujours penché sur les parchemin. C'est le bruit d'une canne claquant contre le dallage qui force la levée de ma tête. Avisant le Shaman, un sourire se dessine sur les plaines de mon visage. — Je savais que je pourrais vous trouver ici, Siliël, ou plutôt devrais-je dire, Lorel. Un frisson glacé me tord les boyaux à la simple susurration de mon prénom. Mon corps se crispe. Mes muscles se tendent telle les cordes d'un arc entre les mains d'un archer. La méfiance prend possession de mes mires éméraldines. D'un silence obséquieux, j'observe ce grand sage qui connaît mon identité, officieuse. — Accompagnez-moi au jardin et vous saurez comment le vieil homme que je suis, a su qui vous étiez vraiment. — Vous savez employer les mots juste pour me convaincre. J'accepte votre proposition. Je n'ai pas d'autre choix que de consentir à sa requête. Je dois m'assurer qu'il ne représente pas une menace imminente pour mon futur. Même si j'ai des doutes sur le sujet, il faut toutefois que je le vérifie et que j'agisse en conséquence. Cette éventualité appose sur mes épaules, une traîne écarlate. Elle ronge mon cœur de son apprêté. Jamais je ne m'habituerais à arracher les pouces de Rëa, pour préserver ma propre sauvegarde. La fuite imposée par mon exil, m'ouvre un sentier, dont je n'étais destinée : celui de la mort. Je ne compte pas les vies que j'ai du abroger pour subsister encore. — Vous ne le regretterez pas. Ce vénérable valdur est loin d'imaginer la teneur de mes cogitations actuelles. A moins que ce soit l'inverse. Je viens à penser qu'en dépit de sa phrase, où coule un certain entrain, il connaît la dualité qui fut mienne. Je lui aies offert, à peine sa susurration exposée, le tableau d'un animal traqué. Et j'en garde encore les traces : mon corps n'a pas repris sa souplesse ; la méfiance farde les traits de mon visage ; ma manicle est prête à attraper le poignard, placé en mon dos. S'il a mention de la vérité, le grand sage ne se départi pas de son air guilleret. Son abstention, face au fait que sa survie dépendait de ma décision, provoque le relâchement de mon être. Plus détendu, nous partons. Nimbé d'un silence taiseux, je le suis jusqu'au jardin. Mes prismes diaprés de bleu, s'apposent sur les plantes désertiques, usitées pour la plupart, pour leur vertu médicinale ; les sculptures d'hommes, de grands fauves et d'éléphants si proches de la perfection, qu'elles semblent prendre vie ; les grands palmiers qui nous offrent le couvert de ses immenses feuilles. Je me détache de ces merveilles pour porter mon intérêt à la fontaine de calcaire, de bronze, d'ivoire et d'or, constituée de deux étages. Située au centre névralgique du premier niveau, une sharda du nord, assisse en tailleur, maintient sur sa tête, une amphore où ruisselle l'eau. Comme une cascade, les flots s'écoulent le long de l'opale, pour rejoindre le second bassin, où protecteurs, huit pachydermes, la trompe levée, veillent en silence. — Vous semblez toujours apprécier nos œuvres, même après quatre décennies. Je suis heureux de voir que vous êtes toujours l'homme avec lequel j'ai aimé partager la compagnie... Lorsque j'ai soufflé votre nom, j'ai craint d'avoir perdu, un vieil ami, dès lors où j'ai pressenti chez vous, l'éventualité de me faire taire. Sa diatribe me pousse à la réflexion. Les paupières fermées, je me plonge dans l'étang des souvenirs. Je vogue d’îlots en îlots pour retrouver celui le concernant. Je me jette à corps perdu dans l'évanescence pour retrouver son nom, parmi les nombreux érudits que je croisa lors de mon règne. Après de longues minutes, semblables à des heures, je détiens la clé de son identité : Imamu. Jadis, par son traité de la médecine par les plantes, il m'avait attiré de douces pensées et j'avais fait tout le nécessaire pour qu'il puisse, séjourner un temps, dans la cité engloutie. Un sourire vient éclairer mon visage, une fois que me remonte de la cendre du passé, de délicieux moments. Je délivre mes mires, prisonnières de leur prison de peau. — Imamu, le temps ne t'a pas épargné. — Au contraire de vous. Les années ne vous ont pas altéré. Vous avez gardé la même apparence, comme si c'était hier que nous nous étions revu. Et pourtant... Le voile du silence tisse sa toile entre nous. Ni lui, ni moi, ne l’interrompons. Nous profitons de nos retrouvailles, yeux dans les yeux. L'échange fini par se rompre. Le chaman, par fatigue, s'installe sur un banc de pierre, faisant craquer au passage, ses membres vieillit. Me plaçant à ses côtés, mes orbes d'un bleu iridescent, coulent sur la mante obscure des cieux. Elles finissent par redessiner les courbes de l'éternelle Némésis. — La première fois que je vous ai vu, il se dégageait de vous une force tranquille, une bienveillance déconcertante et une grande noblesse d'âme. A vous observer, si troublant de bonté, à partager de manière juste et équitable, les denrées alimentaires entre augustes et nécessiteux, j'en été venu à penser, à un monde utopiste, où la guerre et la misère n'étaient plus qu'un lointain souvenir... Je n'interromps pas le fil conducteur de ses mots. Au même titre que lui, je me remémore cette épisode de ma vie. Je me revois, encore grand souverain, devant une foule hétéroclite et derrière, mes fidèles gardes royaux. Juste, je distribuais les victuailles, de manière égalitaire, sans prendre en compte les titres. Les grandes familles recevaient d'avantage de vivre que des âmes en couple ou solitaire. Par ce moyen, même les moins fortunés, en dépit de ne pas crouler sous la richesse, dormaient le ventre plein. — Après les échanges que vous m'avez offert, le temps de mon séjour à Eressa et ce spectacle si rare, j'ai vu en l'impossible le possible. Aujourd'hui, avez-vous encore les mêmes rêves ? Suite à sa question, un silence gênant s'installe. Seul le souffle de nos bouches, le bruissement de nos vêtements rompt son emprise, quasi totalitaire. Mon immobilité parfaite se brise lorsque je lève mon bras vers la nimbe de nuit. Mon poing se ferme comme si je tentais de capturer l'astre sélénite entre mes doigts. — Toujours. Je pourrais le concrétiser dès lors où j'aurais récupéré mon statut et les aurait fait taire à jamais. S'y lit, dans la tessiture de ma voix de baryton, la rancune que j'éprouve envers mes oppresseurs. Je ne peux oublier comment ils m'ont traité. Ce sentiment contraire à l'éclat de mon âme attise chez le vieux sage, une expression attristée. — Il est regrettable de voir à quel point les événements ont obscurci votre être. Je me doute que si le vieil homme que je suis, vous conseillez de ne pas mener une vendetta contre ceux qui vous ont fait défaut, vous n'en tiendrez pas compte. Il n'a pas tout à fait tort. En dépit du respect que j'éprouve à son égard, l'ostracisme dont j'ai subi et les années à craindre un couteau dans le dos, ont raison de mon bon jugement. Jamais je ne pourrais offrir le pardon à Aedran, Aedril et le Conseil, qui m'ont tout pris. L'expression de mon visage traduit la teneur de mes pensées. — Il est temps pour le vieil homme que je suis, de vous rendre votre solitude... Ne vous inquiétez pas pour votre secret. Je ne le divulguerais à personne. Et sur ces phrasés, Imamu se lève. D'un pas claudiquant, malgré le soutien de sa canne. Je l'observe disparaître par la grande arche sculptée, les mots retenus derrière la porte de mes lippes. Je suis dorénavant seul, tout du moins, en apparence. Les pétales de mes lèvres se décollent. S'envole les ailes de ma susurration. — Asha. Tu sais maintenant toute la vérité. Je ne peux plus te cacher la pureté de mon lignage. En écho à ma parole, les sonorités d'un rire s'envolent. Puis subitement, une silhouette se dessine dans la pénombre : Asha. Sans que je ne le demande, elle quitte sa cache. A la place de me rejoindre, sur le banc, comme je m'y attendais, elle contemple la fontaine. — Foutrelune, si on m'avait bavé que je trimerais pour un sang-royal ... Sa remarque relève les coins de ma bouche, en un sourire fort amusé. Toujours nimbé dans ma traîne de silence, je bifurque sur elle, mes prismes diaprés de bleu. Je la détaille sans vergogne. Les soieries flavescentes de sa tenue de servante mettent en valeur sa peau brunie. — J'me doutais que vous étiez pas sorti du trou d'ordures, mais là ... Je ne rajoute rien. Je ne lui offre que mon écoute attentive et ma contemplation. — Le vioque, là ... il est fiable ? Sûr ? Sous son air badin, j'y décèle un soupçon de menace. S'il représente un danger plus ou moins réel pour mon identité, elle agira en conséquence. Elle fera taire à jamais Imamu. Et, je n'y tiens pas. — Il l'est, sans l'ombre d'une hésitation. Même s'il ne fait pas partie de mes partisans, il ne trahira pas mon anonymat. Tu n'auras donc pas besoin d'user de tes talents. Mes susurrations sont pleines de ma confiance. Je sais qu'on peut se fier à cet homme sage. — Tu es somptueuse, attifée d'or. Compliment et taquinerie, tout un art. Puis, une expression sérieuse, grime mon visage. A présent, je me dois de connaître son avis, maintenant que les pans du mystère se sont retrouvés, relevés. — Face à l'ampleur de ta tâche, continueras-tu de me suivre ou préfères-tu partir ? La décision est tienne. Le temps s'égraine à peine que l'éclat d'un rire cynique m'offre le début d'une réponse. Avant de me donner le fil de ses pensées, Asha se retourne. Mes pupilles se joignent aux siennes, mon expression demeure inchangée. — Je te l'ai déjà dit, ô noble maître. Tu peux t'enfoncer caboche en tête dans le pire bourbier de la création, je dois suivre. Sauf à quitter Al'Akhab, je resterais une esclave ... Le feutre de sa voix, aux sonorité teintées de sarcasme et d'ironie, énonce la triste réalité. Ses pairs ne la laisseront pas en paix. Si notre contrat venait à s'abroger, pour une raison quelconque, par ma mort ou ma décision, ses analogues la traqueront. Sans une once de délicatesse, elle sera remise sur le marché où un autre maître, moins affable, l'achètera. — Bien sûr, si tu poses tes miches sur ton beau siège, tu n'oublieras pas tes compagnons de galère ... En dépit de son œillade aussi glacée que le tranchant d'une épée, pointée dans le dos de sa proie, cette fois, c'est à moi de m’esclaffer. Mes notes graves traduisent bien mon amusement. Lorsque s'achève mon rire, je lui rends son regard. — Pas besoin de brocarder, Asha. Tu recevras une compensation à la mesure de l'aide que tu m'as apportée. Tu pourras même devenir Émissaire de mon royaume. A nouveau, son éternel masque souriant reprend ses droits, sur les plaines de son visage. Si des inconnus verraient en cette face insouciante, une personne docile, je la connais suffisamment pour savoir que ce n’est que façade. Tels les chats domestiqués, elle sait faire patte de velours ; amadouer les puissants ; fuir devant une menace ; jouer avec sa proie ; être cajoleuse pour obtenir ce qu'elle souhaite. Elle partage leur côté égoïste et joueur. — Au pire, si la semoule sent le cramé, je sais me servir de mes gambettes ... Sa phrasé confirme ma perception. Sourire au coin de ma bouche, je croise mes jambes. Sa réponse m'a satisfait. Je sais donc qu'elle ne me suivra et non, par obligation. — Je ferais le nécessaire pour que nul danger ne vient perturber le fil de notre existence. Tu as ma parole. Afin de se moquer de mon affirmation et de ma confidence, elle dessine sur ses traits, nullement désagréables, une moue boudeuse. Ma protégée, abrogée de son statut d'esclave, tant qu'elle me sert, n'enjoint pas à sa mimique, la partition de ses mots. Elle préfère se relever, lisser ses guêtres flavescentes et marquer un début d'éloignement. Alors que je m'attends à ce qu'elle parte, me laissant esseulé dans le jardin, elle s'arrête. Auréolée d'un calme placide, elle darde ses prunelles ambrées sur mon être. Fixé par sa lueur insolente et sombre à la fois, je prends au sérieux ce qu'elle prépare à me dire. — Un p'tit conseil alors, maître. Garde-toi de te bâfrer. Les plantes du coin, elles sentent bon, elles s'ornent de belles pétales et de jolies fleurs, mais la sève ne change guère des putains et des empoisonneuses du caniveau. Tu ne serais pas le premier zigue futé et brillant à côtoyer Elaïm trop tôt, pour une simple jolie paire de gambettes ... Elle s'éloigne d'un coup sec sans me laisser le temps de répondre. Je ne lui en tiens pas rigueur. Son tempérament de feu et son sens de la répartie complètent ma trop grande bonté. Elle m'offre un point de vue différent sur le monde et ses dangers. Lorsqu'elle est déjà loin, je me dirige vers la chambre. La journée s'est achevée. Une autre commencera demain. |